030121.. fin des vacances lectures…
Un petit dernier pour la route…..d’abord cet extrait : Tania de Montaigne, L’assignation, p 18, Grasset 2018.
Voilà notre château hanté. Voilà les fantômes qui nous habitent. Ils parlent à travers nous, ventriloques invisibles. Sommes-nous racistes ? Bien sûr. Nous parlons tous la Race couramment, elle est notre langue maternelle depuis des siècles. Pourrions-nous ne pas l’être ? Bien sûr. Mais la tâche est ardue et le temps presse. Partout dans le monde, les rapports se tendent et se crispent avec cette idéologie pour toile de fond. Partout dans le monde, les nationalistes mettent des mots simples et rassurants sur cette peur de l’Autre qui nous habite malgré nous. Ils disent : « Tu as raison d’avoir peur ». Ils disent : « Je te comprends, ils ne sont pas comme nous. » Ils disent : « Quand ils ne seront plus là, nous irons beaucoup mieux. » Ils disent aussi : « Tu ne sais pas qui tu es, mais moi je le sais pour toi. » Et on les croit et on les élit. Ils disent : « Ton problème c’est les Mexicains », « Ton souci c’est les Noirs », « les Arabes », « les Juifs », « les Roms », « les Rohingyas », « les Yézidis »…. Et, face à eux, les communautaristes répondent en miroir, utilisant la même langue, le même dictionnaire. Chez les communautaristes, on ne dit pas un Français noir, mais un Noir de France, un Juif de France, un Musulman de France… La Race d’abord. Et on ne dénonce le Racisme que lorsqu’il touche la communauté que l’on pense représenter, faisant, tout comme les nationalistes, de l’antiracisme à géométrie variable. Ils disent : « Puisqu’on attaque les Noirs, restons entre Noirs. » Ils disent : « Ne discutons qu’entre Juifs. » « Ne pensons qu’entre Musulmans »… Comme les nationalistes, les communautaristes rêvent d’un monde où la Race mettrait de l’ordre dans la complexité des rapports humains. Les Musulmans avec les Musulmans, les Juifs avec les Juifs, les Noirs avec les Noirs… Ils disent « appropriation culturelle », « racisés », « insensibilité culturelle »… Ils disent « Tu parles comme une Blanche », « Tu n’es pas un vrai Noir », « pas une vraie Juive », « pas un vrai Musulman »… Communautaristes et nationalistes sont pris au piège de la Race, et nous avec…. à rapprocher avec ceci : IMAGE ou en VIDEO
….et après Jaurès, voilà Chirac, en 2001 :
« Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi, commença-t-il. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières ; après, on a dit : ils (les Africains) ne sont bons à rien. Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons. » extrait d’un article sur le bilan Chirac en 2007 dans LE MONDE
181220… vacances lectures
quelques références récentes sur la question du racisme :
Lilian THURAM, La pensée blanche, P. Rey, 2020
Aurelia MICHEL, Un monde en nègre et blanc, Seuil, 2020
Eeni EDDO-LODGE, Le racisme est un problème de blancs, Autrement, 2018
Tania de MONTAIGNE, L’assignation, les noirs n’existent pas, Grasset, 2018
Tania de MONTAIGNE, Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, Grasset, 2015
moins récents…..
Aimé Cesaire, Nègre je suis, nègre je resterai, Albin Michel, 2005
Tahar BEN JELLOUN, Le racisme expliqué à ma fille, Seuil, 1999
Frantz FANON, Les damnés de la terre, 1961
En lisant le livre de Tania de Montaigne sur Claudette Colvin, on retrouve l’ambiance décrite par Fanon dans les damnés de la terre. L’un porte sur les noirs américains dans les années 1950, l’autre décrits l’état des populations colonisées à peu près au même moment. Le lien entre esclavage-colonisation-racisme apparaît de plus en plus, surtout à la lecture d’A. Michel. Les différences se cristallisent dans une construction sociale de l’exclusion. Quand on vit dans l’exclusion (quel que soit le côté du mur) on a du mal à imaginer qu’il fut un temps où le mur n’existait pas, et que la vie peut exister sans mur…