Quand on fréquente régulièrement le 1er étage de l’Alcazar, on tombe sur des nouveautés et on comprend que ceux qui bossent là bas.. ils bossent !
Voilà un petit livre qui a l’air de rien, mais pour des gens qui veulent un jour faire du droit c’est une belle entrée en matière. Le bouquin sorti en 2023 s’intitule La Constitution maltraitée – Anatomie du Conseil constitutionnel et son auteure est Lauréline Fontaine (cf https://www.ledroitdelafontaine.fr/ ), la préface est d’Alain Supiot.. Un bonhomme à connaître (« Le gouvernement par les nombres » et autres études sur le travail, à consulter également à l’Alcazar, quelques préfaces sympathiques aussi…)… Bref !
quelques extraits du début pour donner envie…
La préface de Supiot commence par cette manie française de donner des leçons de démocratie au monde entier…
« Qu’il s’agisse de la composition du Conseil constitutionnel, de la motivation de ses décisions, de l’équité des procédures, du mode de désignation de ses membres, de leurs compétences juridiques (…) on cherche vainement un seul registre sur lequel la France aurait des leçons à donner au reste du monde. »
« En 1958, pour la première fois de son histoire la France s’est dotée d’un Conseil Constitutionnel. Fort modestes, ses fonctions étaient (..) plutôt celles d’un arbitre de touche chargé de préserver le pouvoir exécutif des empiètements du pouvoir législatif ; et accessoirement celles d’une maison de retraite assurant les vieux jours des anciens présidents de la République. Selon la légende dorée promue par le monde politico-médiatique, une transformation entamée en 1974 et parachevée e 2008 aurait fait du CC une véritable cour constitutionnelle… »
Dans l’introduction, L Fontaine enchaîne après ce rappel chronologique :
« Mais alors comment concilier cette idée (le CC est devenu un véritable contre-pouvoir selon le récit idyllique repris dans le paragraphe ci-dessus) avec le constat de beaucoup d’observateurs de la vie politique et juridique française que, depuis une trentaine d’années, les libertés sont progressivement et scrupuleusement grignotées ? Les lois adoptés par le Parlement, à l’initiative du gouvernement le plus souvent, abaissent constamment et très surement le niveau de protection et de jouissance de ces droits et libertés que constituent la liberté individuelle d’aller et de venir, de penser, de s’exprimer, de se réunir, de manifester, de protéger sa vie privée, d’être à l’abri de décisions administratives ou judiciaires arbitraires. (…) Or ces lois ont été validées par le CC, qui n’a donc rien empêché. Elles ont aussi favorisé la conception et la raison néolibérale du monde et non le caractère « social » de la République, pourtant proclamé à l’art. 1er de la Constitution, mais auquel le CC ne s’est jamais référé depuis qu’il rend ses décisions. »
« Le Conseil n’empêche par le démantèlement progressif des droits et libertés individuels, il participe même de celui-ci en encourageant, chaque fois qu’il le peut, le renforcement des libertés économiques de personnes ou de groupes puissants. Il est donc plus que nécessaire de porter attention à ce qu’il est, comment il travaille et comment il maîtrise sa communication sur ces sujets. »
Mon rôle d’agitateur se termine là.. Il y en a assez pour tirer une citation pour un devoir sur la Ve République ou les questions constitutionnelles.. Les plus fous iront voir le livre dans les rayons du 1er étage de l’Alcazar… ou iront constater que sur le site de L Fontaine, un colloque sur le CC est annoncé pour mars 2024.. oui c’est passé, mais ce travail de recherche met du temps à émerger dans les médias mainstream ! Vous allez en entendre parler dans les colonnes du Monde ou du Fig… mais quand..?