quelques références pour essayer de comprendre le rôle des idées :
Déchéance de rationalité, G BRONNER, 2019.
Cet auteur est à suivre. Sociologue, il décrypte de manière sublime notre époque et nos comportements… Il en a d’autres comme La démocratie des crédules, 2013 qui devrait être le manuel d’éducation civique dans les lycées… Ce qui ressort de ces lectures, c’est d’abord ces différents biais cognitifs qu’il met en évidence face à la contagion des conneries qui circulent, rumeurs, fake, complotisme et tralala. Le dernier bouquin sort de son expérience dans une institution cherchant à lutter contre la radicalisation, sortie des attentats des années 15 et 16… On touche tout à la fois les rigidités institutionnelles, la pauvreté de raisonnement des institutions comme des radicalisés, mais aussi on voit bien que quand on ne donne rien à l’individu pour avancer, il n’avance pas… Liberté de choix, OK. Mais même le choix, ça s’apprend, ne serait-ce que pour conscientiser les critères… (Ah l’art des choix comme on dit à Privas) Il fait une belle incursion du côté de ce que veut dire croire… Lire Bronner c’est une bonne leçon d’EMC. Une bonne partie de son oeuvre est à l’Alcazar !
Vers l’égalité ou au-delà ? Essai sur l’aube du socialisme par L. FROBERT, 2021
Ce petit livre des éditions ENS (Normale Sup de Lyon) nous replonge dans les années 1830-1840, bien avant Marx, Mélanchon, les soviétiques, les écolos et les délires post mitterrandiens d’une gauche en déliquescence à l’heure du tout pragmatique-libéral-individuel… On se désole vite quand notre champ de vision se limite à notre nombril. L’intérêt (je ne dirais pas « l’utilité ») de l’Histoire est de nous faire connaître ce qui a été fait, dit, pensé avant nous. Et quand on se laisse prendre à la lecture des Anciens, on arrive à relativiser les drames en cours… ou les vacuités à l’oeuvre… L’absence d’imagination politique actuelle fait peur. Que nous est-il proposé, soyons honnêtes… A droite, il s’agit de jouir, en tout bien tout honneur… Croissez et enrichissez vous, peu de différences entre Sarkozy et Guizot, somme toute… Faire son beurre, profiter, consommer, vivre bien et honnêtement, ça se respecte… Il y a assez peu de perspective, sauf pour ceux qui cherchent.. Les autres n’ont qu’à construire leur vie comme ils le peuvent. Dans le fond c’est peut-être ça le bonheur. « Business as usual » ! Cette vision là est étayée par l’échec des stratégies collectives. Et à gauche que nous propose-t-on ? Ben rien de plus ! Ah oui : réagir ! Il FAUT… (ajoutez toutes vos revendications…). L’ETAT DOIT (idem)… Il n’y a plus un projet à gauche. La construction d’un monde du DD n’est pas de gauche.. Derrière celui-ci s’emboîte des perspectives respectueuses des uns et des autres… La gauche a oublié ses fondamentaux, et ce livre nous les rappelle. La gauche ne construit plus de société, elle rame derrière les avancées de la droite, du capitalisme et du progrès technique.. ça va trop vite.. La gauche pense à partir de principes.. Mais ceux ci deviennent obsolètes quand ils ont été construits, car réagissant aux nouveautés d’hier, logique ! La richesse idéologique de ce début du XIXe jette une drôle de lumière sur notre début de XXIe siècle très faible, très peu inventif… Les idéaux de gauche sont pourtant présents, je les vois tous les jours dans les pubs : solidarité, fraternité, aide aux plus démunis.. Tout ce qu’on appelle en les dénigrant les « bons sentiments », ce sont eux qu’on attend en fait.. Voir des gens sourire, être accueilli, avoir un contact aimable, bref une société fraternelle en un mot.. Elle est dans les pubs qui nous vendent des machins fabriqués par des machines ou des gens mal payés…. Et puis, il faut bien le dire la gauche est condamnée : socialisme, communisme ont échoué et , naturellement, tout ce qui a échoué est fondamentalement mauvais : l’histoire n’est pas meilleur juge… Le nazisme était mauvais : condamné. Le communisme était mauvais : condamné… Pour toute personne ne voyant pas plus loin que son groin, c’est une évidence… Posez vous la question : la démocratie a été condamnée par nos Pères politiques, Voltaire et Montesquieu… Donc ? Nos démocraties sont bâties sur les principes de ces gens là qui ont condamné la démocratie.. Tout va bien ? Pour ceux qui commencent à comprendre, ce petit bouquin dresse le portrait d’une époque, le début du XIXe, presque à 200 ans d’ici, au moment où se construit notre société industrielle. Investissements, nouveautés, croissance, on se croirait dans un monde parallèle… Les pauvres sont là aussi, alors que la richesse éclate.. Monde parallèle : aujourd’hui les pauvres sont là ici, mais sans boulot… Les « prolétaires », ils sont en Asie du Sud Est… Et dans notre Europe des années 1830-1840, boursouflée d’orgueil technicien et évolutionniste, qui sécrète un racisme ordinaire parce que seuls les Blancs arrivent à connaître cette nouveauté industrielle, le libéralisme est maître. Monde parallèle ? Je reviens à ce petit bouquin qui raconte le début des « socialistes »: un Pierre Leroux déclare tout de go qu’il a inventé le terme SOCIALISME pour équilibrer le développement fulgurant de l’INDIVIDUALISME… Et là on ne peut pas ne pas se poser la question.. Pourquoi ceux qui nous dirigent, pourquoi nos contemporains n’ont-ils pas fait plus d’histoire…? Pourquoi croire qu’une vieille recette (le libéralisme) qui nous a mené à la guerre à plusieurs reprises serait la bonne solution ? Pourquoi quand je pose cette question avez vous le réflexe idiot de penser que le suis communiste, stalinien, mélanchonesque ? N’y a-t-il dans votre réflexion politique que le profit libéral ou le totalitarisme communiste… Le capitalisme libéral tout blanc et le communisme rouge sang…? et rien entre ??? Alors comment appelez vous cette société de la toute-surveillance informatique qui naît sur nos principes libéraux… la liberté ??? Ne savez vous vraiment pensé qu’en termes d’opposition individuel-collectif, alors que l’histoire du monde nous montre que les deux coexistent, et pas souvent avec bonheur, et que c’est même une des caractéristiques de l’humanité de toujours hésiter dans cette médiation entre individuel et collectif..? Autre opposition de laquelle il faudrait arriver à s’extirper : pragmatisme et utopisme.. Quand on est l’un on ne peut pas être l’autre… Le principe de réalité nous fait accepter la situation… L’utopie est la seule force qui peut nous en sortir et amener la réalité à avancer… Oui ! Même chez les capitalistes, puisque c’est cette tendance à faire du profit qui permet les investissements, comme les faillites.. Avoir toujours plus, c’est une utopie qui devient réalité en milieu capitaliste… De même l’utopie d’avoir un objet qui me met en lien avec tous mes amis a permis des richesses fabuleuses aux concepteurs de smartphones.. Alors pourquoi discréditer l’utopie alors qu’elle nous fait avancer ??? Mais dès qu’il s’agit d’utopie politique, il n’y a plus personne. Il faut vite condamner… Alors, et toujours pour les quelques uns qui sont encore là et qui ont compris, lisez ce petit bouquin d’histoire et d’histoire des idées. Voir éclore des pensées du collectif, dans toute leur variété, dans un moment de grande croissance industrielle et de grande confiance dans le progrès, c’est tout à fait stimulant pour percevoir aujourd’hui…. A l’Alcazar
… et si vous voulez toucher cette société capitaliste dans ses aspects sombres, je vous conseille S. SASSEN Expulsions, Brutalité et complexité dans l’économie globale, 2016 ou N KLEIN No Logo, 2002 et surtout Le choc des utopies, Porto Rico contre les capitalistes du désastre, 2019
Ce pays qui aime les idées. Histoire d’une passion française par Sudhir HAZAREESINGH – 2017
Un bouquin qui fait du bien à lire, quand un anglais se met à admirer la culture française ça vaut le détour… En plus on apprend pas mal de choses et on n’arrive plus à dénigrer notre pays bien aimé… Voilà ce qu’en dit un CR internet rapide :
Les Français seraient arrogants, présomptueux, ingouvernables… Mais ne seraient-ils pas, avant tout, de grands amoureux des idées?
Au fond, à quoi reconnaît-on la pensée française? Sans doute à son inextinguible vitalité : si les Français donnent l’impression de ne jamais débattre sans se disputer, c’est qu’ils ont l’exercice de la controverse trop à cœur ; s’ils passent pour des donneurs de leçons, c’est qu’ils aspirent à l’universel, au point de s’en estimer seuls garants ; s’ils sont râleurs, anarchiques et prompts à la révolte, c’est qu’ils ont l’esprit critique chevillé au corps ; s’ils se croient supérieurs, c’est qu’ils ont le goût de l’abstraction, l’art d’inventer des concepts qui séduisent au-delà des frontières – le socialisme, le structuralisme, l’existentialisme, la déconstruction, le mot même d’intellectuel. Enfin, s’ils exigent tant de leurs hommes politiques aujourd’hui, c’est qu’ils sont nostalgiques de leur grandeur passée et qu’ils refusent d’abdiquer.
Catalogue passionné des spécificités de la pensée française, ce livre nous décrit mieux que nous ne saurions le faire, en même temps qu’il nous pousse à interroger nos inquiétudes face à l’idée de notre déclin.