quelques petites lectures en passant, pour essayer de ne pas toujours « binger » en lieu et place d’exister !
Samuel Laurent, J’ai vu naître le monstre, Twitter va-t-il tuer la démocratie ?, Les Arènes, 2021
=> stimulant ou effrayant, comme vous le sentez. Un énième témoignage de repenti des réseaux, encore un esclavagiste qui veut se racheter d’avoir été inhumain ! Bon ! Ils sont gentils ces petits minous là mais ça ressemble plus à un gros coup de pub ou de déprime qu’une sincère mise en garde. La plupart de ces productions sur les RS sont déprimantes… Tant qu’on aura pas eu la simplicité d’appeler ces choses là par le nom qui leur convient, c-a-d le nouveau totalitarisme, on continuera à se prendre le mur ! On vous l’a dit et répété, il n’y a pas de leçons de l’Histoire.. On regarde les Hitler Jugend et les Komsomol avec un regard effrayé et apeuré, mais on laisse nos enfants sur les réseaux… Inconsistance de l’humain ! Bref, si vous ne le lisez pas, vous gagnez du temps pour lire des choses plus intéressantes…
Felix Tréguer, L’utopie déchue, une contre histoire d’Internet XVe-XXIe siècle, Fayard, 2019
Internet au XVe siècle, me suis-je dit, allons voir ce cocaïnomane chevelu …. De fait , les formations scientifiques ne produisent pas que des emmerdeurs. Le propos est très intello, utilise les références à la mode (Ah, Foucault, quel pied !) mais nous mène dans une réflexion stimulante sur l’Etat et les moyens qu’il prend pour maîtriser les outils de communication… D’où le détour par le XVe et le XVIe quand la Raison d’Etat naît comme une conséquence des guerres de religion et de la diffusion des idées par l’imprimerie. Comme si l’humanisme, dans son optimisme humain, avait provoqué un sursaut de l’Etat qui doit désormais s’adapter à un individu conscient de son individualité…
« Pour faire fonctionner l’espace public à son profit, l’Etat moderne a très tôt déployé 5 stratégies majeures qui forment la police de l’espace public : la CENSURE, la SURVEILLANCE, le SECRET, la PROPAGANDE et la CENTRALISATION (des technologies de communication) » D’autre part, Internet a été essentialisé et l’utopie du départ a vite déchanté… L’utopie qui est ce qui mobilise le mieux, mais qui, ne trouvez-vous pas, semble en panne aujourd’hui ? Qui veut construire un monde meilleur dans un monde qui semble condamné ? L’Utopie s’avère aujourd’hui une possibilité de riches; les pauvres savent que sans révolution il n’y arriveront pas et que l’issue des révolutions ne dépend pas d’eux…
Byung-Chul Han, L’expulsion de l’autre. Société, perception et communication contemporaines, PUF, 2020
Dans la série, de temps en temps, il faut ouvrir un ouvrage d’un Allemand : « Le temps ou l’AUTRE existait est révolu »… « Ce ne sont pas la privation et l’interdiction, mais l’hypercommunication et la surconsommation, non pas le refoulement et la négation, mais la permissivité et l’affirmation qui la[=société] rendent malade »… « L’expulsion de l’autre met en marche un tout autre processus de destruction, à savoir celui de l’autodestruction »… « On propose en permanence aux consommateurs les films et les séries qui correspondent entièrement à leur goût, c’est à dire celles qui leur plaisent. Comme du bétail de la consommation, ils sont gavés de ce qui revient toujours à l’identique ».. « La terreur de l’identique englobe aujourd’hui tous les domaines de la vie. On se rend partout sans faire d’expérience nulle part. On prend connaissances de tout sans acquérir une connaissance. On accumule les informations et les données sans aboutir à un savoir… »… » Le Big data permet d’étudier les corrélations..La corrélation est la forme de savoir la plus primitive, elle n’est même pas en mesure d’étudier la relation de causalité, c’est à dire la relation entre la cause et l’effet. C’est COMME CA. La question du pourquoi est ici inutile. Rien n’est donc COMPRIS. Or savoir c’est comprendre. Big Data rend ainsi la pensée superflue. Nous nous abandonnons sans objections au c’est comme ça. »…
Julia de Funes, Le siècle des égarés. De l’errance identitaire au sentiment de soi, L’Observatoire, 2022.
Faut-il revenir sur la place de son grand père dans le cinéma français pour lire ce petit ouvrage bien fait et rassurant sur la capacité à penser des gens qui nous dirigent ?… « à l’échelle individuelle, l’identité s’avère la plupart du temps un piège pour soi-même (…) Tentés à l’idée de croire que l’identité nous construit et nous fortifie, force est de constater qu’elle ne fait souvent que nous éloigner de nous-mêmes en nous confinant dans des emplois et des rôles. A l’échelle collective, il suffit d’un regard pour constater que les dogmatismes identitaires s’exacerbent et que l’universalisme perd de son prestige. Du temps des Lumières, l’universalisme était le chemin vers l’égalité et la liberté, il est désormais devenu, pour certaines communautés, synonyme de déni des différences et consolidation des injustices (…) En fin sur le plan théorique l’identité est un des seuls concepts à être si paradoxalement construit au point de ne mener qu’à des impasses philosophiques. Rien qu’en ouvrant le dictionnaire au mot « identité » deux acceptions contradictoires le définissent. Signifiant à la fois le même (être identique) et le différent (être spécifique), il est inévitable que toute recherche identitaire porte en elle une contradiction. »… et ça, ce n’est que le début !