débat en attendant

C’était un jour où les élèves (non pas MES élèves, mais LES élèves) ont relevé le défi du « – Bon aujourd’hui vous avez quelque chose à me proposer ? »… Cette proposition ne doit pas exister, en classe elle est « obscène », c’est-à-dire qu’elle n’a pas à paraître sur la belle et magnifique scène de la classe. Mais, toute comédie gardée, c’est aussi dire au corps collectif qu’il n’est pas là que pour entendre ou faire semblant d’entendre, mais aussi pour participer, prendre sa part….

« Vous avez dit un jour qu’on pourrait discuter sur le fait que la démocratie peut glisser vers la dictature … » Bon, je sais que j’en dis des conneries mais là !!! Mais qu’importe la contradiction, causons… La question sera donc officiellement : La démocratie peut-elle remettre en cause les libertés fondamentales ? Notre époque de populismes violents,  de néologismes aussi sots que « démocrature » ou « démocratie illibérale » ne laisse de poser la question, même si, posée ainsi, elle semble caduque.

Comment une démocratie pourrait-elle remettre en cause les libertés fondamentales car une démocratie c’est le respect des libertés fondamentales…? Sortez de vos conneries à 2 balles pour vendre vos canards, journalistes vendus ! La démocratie ne remet pas en cause les libertés fondamentales, qu’on se le dise !

Une fois qu’on est d’accord avec ça, il faut donc aller plus loin…

Pourquoi donc nos journalistes à la gomme (et autres spécialistes qui ne sont que des conquérants du pouvoir universitaire) nous parlent de démocratie « illibérale » ou de « démocrature » ??? <<Ne soyez pas servile>> me disait un jour un jury d’agrégation alors que je lui servais la soupe démago-pédagogique attendue… Parler de démocratie non libérale c’est tout simplement renier le caractère réellement démocratique du régime visé.. Et comme on ne peut pas, on ne veut pas faire tomber des régimes qui se disent démocratiques et qui ne sont pas ennemis dans la dictature on invente des catégories qui n’existent pas, des catégories médiatiques ou communicationnelles pour faire semblant de penser tout en restant dans le conformisme… Mieux vaut parler de « démocratie défectueuse » (flawed democracy) comme le dit cette étude de The economist qui paraît tous les ans depuis 2006 et dont vous pourrez trouver le dernier rapport (2023 et en anglais)  ICI

Dire « démocratie défectueuse » ce n’est pas dire « illibéral ». Une démocratie illibérale c’est un régime du style second empire qui n’utilise que le suffrage universel dans les outils démocratiques.. Et le vote seul ne définit pas la démocratie… Donc ce n’est pas une démocratie ! Pourquoi nos spécialistes (ou présentés comme tels) continuent de dire démocratie pour la Hongrie alors qu’ils ne l’emploieraient pas pour le second Empire ? Démocratie libérale, on sait ce que c’est. Quand un régime remet en cause un ou plusieurs des différents points que l’on a pu mettre en évidence en cours (SU + concurrence pour le pouvoir+alternance+libertés + égalité), la démocratie a des défauts.. Et ce n’est plus tout à fait une démocratie. Quand un pays se dit démocratique mais ne respecte pas ces conditions, on n’a pas à dire que c’est une démocratie : un régime autoritaire à tendances démocratiques c’est déjà plus honnête !

Le fond du débat est très clairement posé par l’évolution politique de la France du XIXe… Chaque régime se pose en solution de l’obsolescence du précédent. Chaque régime pose la question de qui est capable d’exercer le pouvoir. Pose le SU (1848) mais enlève les indigents (31 mai 1850). Repose le SU (1851) mais détourne les suffrages (candidatures officielles)…. Notre Ve République a perdu une de ses caractéristiques démocratiques avec la fin des cohabitations : Macron aurait été réélu mais sans forcément une majorité à l’assemblée deux ans après !  La cohabitation renvoyait les politiques dos à dos, à leurs responsabilités : faites marcher la machine ensemble et arrêtez les discours ! Le quinquennat a muselé le législatif au moment où on en a une plus forte attente !

La réforme des retraites met-elle un point final à la démocratie en France ? Disons le en manifestant, ça fait toujours du bien, mais le discours ne tient pas la route, c’est évident ! Les défauts inhérents à l’égalité existent depuis longtemps dans les pays appliquant ou cherchant à appliquer la démocratie (cf Tocqueville). Mais l’existence de défauts ne signifie pas l’annihilation du caractère démocratique. Les inégalités économiques croissent en régime libéral, et cela a des conséquences sur l’implication politique des gens qui font les frais de cette inégalité croissante. Et ceux qui nous gouvernent le savent. Égalité politique et égalité économique sont imbriquées mais on ne veut que l’une et pas l’autre, et parfois au nom de la seconde on est prêt à rogner sur la première…

Et là on arrive sur notre question…. Nos démocraties libérales se conjuguent avec l’économie libérale qui est créatrice d’inégalités là où le régime politique se veut créateur de liberté et d’égalité… Tout régime vit avec une communication. Les soviétiques, comme Robespierre, comme les totalitarismes de droite, l’avaient compris :  ces régimes diffusent la propagande qui sert à étouffer la personne pour mieux diriger et refouler des questions permissives pour l’exercice du pouvoir. Mais ça ne marche pas (finalement on en est pas plus malheureux !)… Nos démocraties libérales actuelles sont obligées de fonctionner d’une manière apparentée (et qui marche mieux !), car il faut  laisser le peuple loin des réelles questions.. On le voit avec les questions agricoles : mieux vaut nourrir quitte à polluer que de laisser les concitoyens le ventre vide : un ventre vide, ça se révolte. D’abord la bouffe ! Après, viennent  le confort et la consommation. Ce sont les services de propagande les plus fidèles des démocraties occidentales et en plus ils sont gratuits pour l’État. Pendant que le/la citoyen/ne passe son temps à vouloir avoir telle ou telle chose dans son salon, il/elle ne pense pas que ses dirigeants sont hors de propos. Le discours sociétal évoluant, les techniques de communication avec, il est donc bien plus important de passer sa vie sur les réseaux plutôt que de s’occuper de gérer notre pays entant que citoyen actif puisque cela n’est pas possible… « Panem et circenses » disaient les Latins !

On en est au point aujourd’hui qu’après des siècles de culpabilisation à propos de l’envie et la gourmandise ces défauts sont devenues aujourd’hui des qualités, des preuves de bonne citoyenneté.. C’est l’envie qui fait consommer.. Sans envie, pas de pub, donc pas d’achat.. Consomme et tais-toi ! Vote et tais-toi ! Mais peu de choses changent, finalement…

La démocratie n’échappe pas aux circonstances. La loi, la constitution sont des textes qui fixent les règles, mais pas toutes.. Puisqu’il peut y avoir une interprétation des textes.. La pratique et les principes ne correspondent pas tout le temps. Orban est élu démocratiquement en Hongrie avec une grosse machine hyper démagogique, et applique une politique qui n’est pas toujours démocratique : démocratie défectueuse. Macron est élu démocratiquement, mène une réforme qui est attendue depuis longtemps, qui arrive trop tard sûrement (on reforme un système de retraite au moment où les départs annuels à la retraite vont diminuer…puisque les derniers boomers partiront à la retraite d’ici 10 ans) et qui n’est pas admise par une majorité.. Il se dresse droit dans ses bottes, au garde à vous dans la merde, conte vents et marées… Mais quand on maintient la peine de mort contre l’avis d’une majorité, personne ne manifeste ! Donc ce n’est pas la position de Macron, du dirigeant à la De Gaulle, (Moi je bosse pour vous,  même si vous n’y croyez pas, avec un petit goût du discours de l’avant-garde révolutionnaire à la Lénine) qui pose problème… C’est la médiation entre les discours, la manière d’intégrer les revendications, la manière d’inclure les citoyens dans la réflexion. Mais en France, là où tout le monde prend son voisin pour un con tant qu’il ne le connaît pas, inclure est une vue de l’esprit….

Tout étant une question d’échelle, l’inclusion proche est plus simple que l’inclusion éloignée, c-a-d en terme d’abstraction politique…

Aujourd’hui, une problématique pose davantage de questions : celle du climat. Là, l’État doit tenir et fort, contre vents et marées économiques… Mais là, en revanche, Macron n’est pas aussi ferme, aussi déterminé. On l’aurait admiré pourtant s’il arrivait à faire passer aux gros dirigeants économiques des mesures efficaces et drôlement nécessaires pour limiter les pollutions en tout genre que notre système économique produit (..pour que les citoyens ne se préoccupent que de leur narcissisme et pas de celui de leurs dirigeants…)… Au moment où les citoyens voudraient avoir davantage la parole, les techniques de gestion des groupes ou des revendications se multiplient.. (Reproduction de ce qui s’est passé au XVIe avec la diffusion de l’imprimerie : n’hésitez pas à feuilleter le bouquin de Felix Treguer sur Internet qui s’intitule « L’utopie déchue »…).. La température monte et la biodiversité diminue : la priorité est là, et pas forcément dans les comptes d’un État (ou bien plutôt des organismes privés de retraite qui vont encore en bénéficier)  qui a toujours de la ressource puisque c’est dans sa définition….

En bref, que l’on ait un dirigeant qui en impose, pourquoi pas.. Dans le principe ce n’est pas trop le problème d’avoir un chef « qui en a »… En revanche, il faudrait savoir sur quels dossiers on aimerait qu’il soit inflexible.. Je n’aurais jamais manifesté contre un président (de droite ou de gauche) qui aurait imposé des réformes en faveur de la biodiversité et de la lutte contre le réchauffement, quels que soient les bouleversements du quotidien que cela implique.. Mais je dois vivre dans un monde parallèle, non ?

Je retourne à mes selfies…

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