Je te souhaite
de ne pas réussir ta vie.
Je te souhaite de vivre
autrement que les gens arrivés.
Je te souhaite de vivre
la tête en bas
et le cœur en l’air,
les pieds dans tes rêves
et les yeux pour entendre.
Je te souhaite de vivre
sans te laisser acheter par l’argent.
Je te souhaite de vivre
debout et habité.
Je te souhaite de vivre
le souffle en feu,
brûlé vif de tendresse.
Je te souhaite de vivre
sans titre, sans étiquette,
sans distinction,
ne portant d’autre nom
que l’humain.
Je te souhaite de vivre
sans que tu aies rendu quelqu’un
victime de toi-même.
Je te souhaite de vivre
sans suspecter,
sans condamner,
même du bout des lèvres.
Je te souhaite de vivre
sans ironie,
même contre toi-même.
Je te souhaite de vivre
dans un monde
sans exclus, sans rejetés,
sans méprisés, sans humiliés,
ni montrés du doigt,
ni excommuniés.
Je te souhaite de vivre
dans un monde
où chacun aura le droit
de devenir ton frère
et de se faire ton prochain,
Un monde
où personne ne sera rejeté
du droit à la parole,
du droit d’apprendre à lire
et de savoir écrire.
Je te souhaite de vivre
dans un monde sans croisade,
sans inquisition, sans saint-office,
ni chasse aux sorcières.
Je te souhaite de vivre libre,
dans un monde libre,
d’aller et de venir,
d’entrer et de sortir,
libre de parler librement
dans toutes les églises,
dans tous les partis,
dans tous les journaux,
à toutes les radios,
à toutes les télévisions,
à toutes les tribunes,
dans tous les congrès,
à toutes les assemblées,
dans toutes les usines,
dans tous les bureaux,
dans toutes les administrations.
Je te souhaite de parler
non pour être écouté
mais pour être compris.
Je te souhaite de vivre
l’inespéré,
c’est dire
que je te souhaite
de ne pas réussir ta vie…
Jean Debruyne.