L’abstention avance… Qui en est responsable ?
On va passer sur le réflexe culpabilisant de nos sociétés sorties de la culpabilité catho pour entrer dans la culpabilité médiatique… De fait , les forts taux d’abstention font peur.. Peur parce qu’ils signifient d’une part la désaffection des citoyens (vous m’excuserez de ne pas employer le mot « peuple » dont j’ai du mal à trouver une définition qui dise quelque chose de nos sociétés individualistes…)… Peur parce qu’ils signifient que ne vont voter que ceux qui ont des idées bien arrêtées et pas forcément au centre : porte ouverte aux extrêmes…
Vos synthèses, chers élèves, sont très intéressantes, car on y voit tout à la fois, la reproduction d’idées courantes sur le marché et des réflexions d’une grande candeur, d’un grand espoir. Les désabusés existent parmi vous, mais de mon côté je préfère voir des jeunes espérant que des jeunes désespérant… Si les jeunes n’espèrent pas, qui le fera ? Si les jeunes n’ont pas d’utopie pour construire un autre demain, qui le fera ?
L’ambiance est à la « gestion », vos grands parents disaient « faire tourner la boutique », d’un côté et au « talent » de l’autre… Pragmatique contre grandes idées… Rien de très neuf… La désaffection des jeunes ? Est-elle vraiment actuelle ? Le manque de représentativité de nos élus ? Là encore, est-ce une nouveauté, Lénine le critiquait déjà il y a plus d’un siècle ! Le manque d’information des Français ? Qu’est-ce qu’on vous apprend à l’école, vos profs sont ils encore audibles ? Les techniques de la démocratie ? Un des articles donnés soulignait que la question technique n’est pas centrale… C’est aussi pour cela que je n’écoute pas ceux qui veulent créer une VIe République… La Ve République de de Gaulle est morte plusieurs fois depuis 1958, on en reparlera… Les élus peuvent faire les réformes nécessaires sans que l »on se laisse berner par une refonte complète des institutions qui entrainerait des débats sans fin dont on peut se passer !
De fait le problème fondamental est la perception par les individus de ce qu’est la démocratie… Et là nous avons de larges fractures, fissures, blessures béantes entre nous, entre citoyens… La question posée, naturellement provocante soulignait par l’artifice de la culpabilité (les Français ne méritent pas...) la question de l’implication de chacun dans le fonctionnement concret de la démocratie, qu’elle soit politique, économique ou sociale… Nos réflexes de consommation, notre confort, la mode du tout-jugé-en-un-clic, la volonté de ne pas se prendre la tête, tout cela, et d’autre, ne nous empêche-t-il pas de vraiment participer à la vie de a cité ?.. Il est sans doute plus simple ou plus accessible de le faire dans un village ou une petite ville que dans une grande cité où ne font que passer des gens d’un écran à un autre… Certains, mais assez peu, d’entre vous soulignent le rôle du confinement. Au départ on pensait que ça nous rapprocherait ; de fait ça nous pousse globalement à rester dans notre caverne, dépendant de médias qui sont là pour nous informer mais aussi, il ne faut pas l’oublier, pour nous vendre cette information… Le paradoxe libéral prend tout son sens : libéral, libre d’informer.. Libéral, libre de faire son fric en allant dans un sens ou un autre.
L’Histoire ne sert à rien… On ne sauvera jamais personne avec, c’est une évidence ! Mais elle peut montrer des tendances dures et profondes de nos humanités… Autrefois l’Église effrayait les croyants avec le Salut.. Et cela a vraiment passionné les foules. Aujourd’hui la peur reste le plus puissant motif de mobilisation… Cette peur est toujours là, depuis Néanderthal, dans toutes les sociétés, développées ou non… La peur est un instrument de domination des foules et des individus.. Et tous l’emploient, à tous les niveaux. N’étant ni complotiste, ni platiste, ni responsable, ni coupable, je vois cette peur utilisée.. Manipulée ? Oui à l’occasion. Mais tout ne se réduit jamais à un scénario hollywoodien. La grande manipulation, il faut s’en méfier. Tous les Russes ne sont pas derrière Poutine.
Tout ça pour dire quoi ?
L’abstention c’est à mon avis d’abord culturel. Quand on a un pouvoir, on s’en lasse, on veut en avoir plus ou on s’aperçoit que c’est un leurre. Quoi qu’il en soit, le pouvoir du vote, nous l’avons et nombreux sont ceux qui ne l’utilisent pas, et plus encore aux USA qu’en France !!! Aujourd’hui, le collectif n’est plus à la mode… Je pense intimement que le collectif a une échelle et que la Nation dépasse largement cette échelle. Le collectif n’étant plus à la mode, il faut donc se satisfaire de l’échelle individuelle. C’est à l’individu de s’investir dans la vie civique.. Les moyens ne manquent pas, c’est juste la « croyance » dans cette vie civique qui manque.. Comme tout système où l’on compte sur le « peuple », il faut rappeler au dit « peuple » qu’il doit s’investir, gratos, sans intérêt autre que politique (= pour le bien de la cité, pour le bien de tous).. D’où la nécessité de la propagande, info, pub etc… Sans cette propagande, rappelant régulièrement à tous que le système démocratique n’est rien sans chacun, on n’a pas de participation. Mais la propagande ça fait soviétique, bah caca ! Donc on en est réduit aux plates évidences énoncées l’air triste par nos journalistes ou des injonctions la truffe humide de peur des mêmes caciques de la communication.
L’abstention c’est toi et moi.
La participation c’est pareil.
On nous bassine l’esprit depuis 40 ans (je le sais j’étais déjà réveillé) que l’humain n’agit que par intérêt.. Vous avez bien intégré la leçon puisque vous me demandez régulièrement en cours « mais quel intérêt avait-il à faire ça ? »… Intéressant quand vous comparez les réponses possibles quand il s’agit de Macron ou de l’abbé Pierre…
Individualistes nous sommes.
Alors , désolé, mais je ne comprends plus…
Nous avons plongé avec délectation dans ce confort technico-médiatique individualiste, et on découvre aujourd’hui les conséquences désastreuses au niveau politique (mais aussi social et économique).. Est-on vraiment aussi inconséquent ???
La réponse est oui.
Du coup où ça nous mène ? A la Révolution ? A la guerre ? A l’apathie ?
Cela nous mène tout droit à l’éducation de la volonté ; je traduis : notre propre éducation de notre propre volonté. Les connaissances historiques nous montrent que au delà de la question du « peuple », ceux qui luttent, ceux qui s’engagent sont toujours une minorité. Tout l’enjeu de nos démocraties c’est que la part de ceux qui s’engagent devienne plus importante, sans illusion et sans condamnation sur ce que fait la majorité..
Alors engagez vous, engageons nous, dans ce que vous voulez : la politique, l’économie, le social, l’associatif, l’humanitaire… Les portes sont ouvertes. Ne laissez pas ce monde se défaire par le confort et le repli sur soi. On a tous un rôle à jouer. Mais il ne faut pas avoir l’illusion qu’on pourra changer le monde…
Changer, c’est toujours demain.
Agir, c’est tout de suite…