leçon

Quand un historien, un vrai, pas seulement un docteur en Histoire qui fait des cours dans le secondaire, un vrai historien dont c’est le métier, métier qui consiste non seulement à faire des cours, à faire des recherches mais aussi à faire tourner la boutique en publiant, parce que, de gauche comme de droite, la règle venue d’outre atlantique est la règle pour tous, publish or perish, quand, donc,  un historien se met à faire sa leçon, il faut écouter…. L’ouvrage est un bel ouvrage d’histoire, mais d’une histoire réellement ancrée dans son présent. Enfin un historien qui ne se prend pas pour un angelot asexué de la Vérité ! Les irresponsables, de J Chapoutot, sous titré Qui a porté Hitler au pouvoir ? présente lentement, surement, avec tous les flash back nécessaires, la marche chaotique de Hitler vers le pouvoir. Ses coups de pied dans la fourmilière de cette histoire mastiquée comme un steack haché depuis le CM2 permettent de dépasser le vernis pour accéder à de réels événements, casser le discours pour retrouver les faits. Que le parallèle avec aujourd’hui existe, il n’en fait pas mystère, ni ne le cache, ni ne le surjoue. L’intro et la conclusion sont en lien avec aujourd’hui, bel exemple pour des apprentis scripteurs de lycée ! Mais passés ces moments de mise en perspective, il ne reste que l’histoire, les archives, les récits, les documents, les analyses. Il ne s’amuse pas à vitrioliser son analyse de son engagement politique….

Je retiendrai ce passage sur l’objectivité en histoire, p 275 et sq :

L’objectivité, on se lasse de devoir le rappeler, est, plus qu’un malentendu, un contresens assez navrant. Personne ayant lu une once d’épistémologie des sciences ne défendra cette idée : dans les sciences de la matière et du vivant, le lien entre le chercheur et sa recherche, entre le sujet connaissant et l’objet à connaître, la manière dont cet objet est construit par le questionnement du chercheur, voire l’interaction entre sa personne et la prise des mesures les plus « objectives » qui soient, sont bien connus (…) Pas d’objectivité entre sujets : elle n’est ni une réalité, ni un idéal régulateur, car elle est une ineptie pure et simple pour quiconque s’est donné la peine d’aller un peu au-delà du positivisme dans sa réflexion épistémologique, et a tenté de dépasser le stade de la terminale (…) On lui préférera l’honnêteté, qui commande à l’historien d’instruire à charge et à décharge et, lorsqu’il compare, de faire le départ entre les similitudes et la « différence des temps » pour parler comme Marc Bloch…(…)
Le départ entre passé et présent est sans doute une étape nécessaire dans la construction d’une épistémologie personnelle, une forme de « morale provisoire », pour se mettre en chemin et avancer un peu, mais on sera bien inspiré de vite dépasser ce stade infantile du déontologisme au risque d’enfoncer des portes déjà largement ouvertes et de radoter un catéchisme éventé.(…)
Le refrain des « leçons de l’histoire » était certes un apanage du plus rance des classicismes (…) On a abandonné les « leçons » par trop normatives, qui présupposaient soit une conception cyclique de l’histoire, soit une Providence divine qui, par définition, prévoyait et décidait de tout et qui, donc, pour peu que l’on s’en approchait par la foi et l’étude, permettait de lire et d’interpréter cet invraisemblable maelstrom des faits et gestes humains et d’y déceler quelque sens. (…) « ce qu’enseignent l’expérience et l’histoire, c’est que peuples et gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire et n’ont jamais agi suivant des maximes qu’on en aurait pu en retirer. » Hegel… (…) En l’espèce, en dépit de similitudes  étonnantes, Hugenberg n’est pas Bolloré et Papen n’est pas Macron, mais leurs positions dans les configurations politiques, économiques et sociales de la France de 2025 et de l’Allemagne de 1932 sont analogues. Pas d’égalité ou d’identité terme à terme (A n’est pas C) mais une identité de rapport (A/B=C/D) (…) « Ce n’est pas parce que l’histoire ne se répète pas que les êtres qui la font -qui la sont- ne sont pas mus par des forces étonnamment semblables. » Pascal Ory….(…)
Nous réitérons avec application les erreurs les plus crasses de nos prédécesseurs. Par ignorance, par désinvolture, mais aussi par cynisme et par un égoïsme qui conduit à détruire la démocratie (en ignorant le résultat des élections par exemple), l’État (par une politique outrageusement pro-riches financée par la destruction des services publics et de tous les biens communs), voire le langage lui-même (par le mensonge permanent) et jusqu’à l’idée même de société et d’un espace commun….

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